Melted cheese

Publié le par Laura Gara

Melted cheese

J'ai passé plus de six mois en Angleterre. Quand je suis arrivée, j'avais le cœur brisé, j'avais le mal du pays. Pas le mal de la France, non, mais le mal de l'Irlande. Chaque émotion que j'avais pu ressentir là-bas me manquait. Le temps, l'accent, la verdure. D'entrée, je comparais chaque recoin de mon ancien centre d'activités extérieures avec mon nouveau. Et mon allégeance était certainement irlandaise. L'Irlande était mon premier amour, et devait le rester. 

Dans le Lake District, tout était différent. J'étais bien plus seule, en étant plus entourée. Je comptais moins sur les gens. Tout le monde était plus individuel, il y avait moins cet esprit de communauté, à être tous ensemble tout le temps. Généralement, les gens préféraient avoir leur temps pour eux, sans avoir besoin de rendre des comptes à personne. Du coup, j'ai mis parfois des semaines à nouer des liens avec certains ici. Bon, très bien. Je devais juste m'adapter.

Jusqu'au jour où je compris que je n'avais pas besoin de comparer mes deux expériences en permanence. Et dès ce moment, je commençai à vivre ma nouvelle aventure pleinement. A laisser l'Angleterre m'envahir. A comprendre le sarcasme et l'humour anglais, et à continuer de critiquer la nourriture anglaise, mais la manger quand même. A réaliser qu'il y a des différences culturelles entre eux, et moi, et que les anglais n'aiment pas les promesses. A accepter que tout serait différent dès à présent. J'ai simplement ouvert mon cœur à un nouveau pays, ce jour là. 

Puis j'ai commencé à apprécier mes nouvelles habitudes. Regarder le lac tous les jours et me souvenir à quel point j'avais de la chance d'être là. Marcher quelques minutes dans les bois et me sentir dépaysée et loin de mon travail, alors que je n'étais qu'à quelques mètres de là. Ecouter tous ces sons suspicieux le matin quand j'étais dans mon lit et me demander quel genre d'animal cela pouvait être. Entendre le bruit des cailloux craquer sous mes pieds quand je marchais le matin et sentir la fraîcheur sur mon visage. Je savais que, tôt ou tard, j'allais devoir une fois de plus changer mes habitudes et accepter que ces dernières n'étaient que temporaires. Facile, je l'avais déjà fait, j'avais déjà réussi à me remettre de l'Irlande, je pouvais faire la même chose ici. Avais-je soumis mon âme à un nouvel amour ? 

Puis, vint le moment des adieux. Je pensais avoir pris de l'expérience et savoir gérer le fait que je n'allais sûrement pas revoir ces personnes avec qui j'avais passé une demie-année à Lakeside. Tout au long de mon aventure, je voulais me convaincre que chaque personne que j'avais pu rencontrer ici et que j'appréciais n'était qu'une amitié éphémère de plus. Puis, je me pensais endurcie et j'avais grandi entre temps. Et pourtant, les derniers jours, je sentais ma cage thoracique se serrer. Je me réveillais en pleine nuit, paniquée. Ça y est. Ma vie allait changer une fois de plus. Combien de fois serais-je capable de vivre cette période de ma vie quand tout doit rechanger ? Avais-je besoin d'être traumatisée des adieux pour arrêter de chercher mon petit coin de paradis partout ? 

La première étude à faire, c'est de définir si cela vaut le coup. Oui, je m'enrichis intellectuellement et physiquement. Je rencontre des personnes différentes partout, qui m'apportent des choses différentes aussi. Chaque individu que j'ai rencontré en Angleterre avait un rôle plus ou moins spécial pour moi. Si j'avais besoin de parler, j'allais voir un tel, si j'avais besoin de danser, j'allais voir quelqu'un d'autre, si j'avais besoin de me disputer, j'allais affronter une autre personne. Et à chaque fois que je disais au revoir à l'un d'eux, c'était comme rompre avec une part de moi-même. J'avais pourtant signé un accord avec mes émotions, qui avaient promis de me laisser tranquille. Mais cette affection démesurée que je ressens pour mes collègues à chaque fois fait partie moi ; et même avec des années d'aventures, je suis sûre d'éprouver encore cette intense et magnifique mélancolie des adieux. 

Étrange donc, ce sentiment d'appartenance à un lieu. Je sais d'où je viens, mais personne ne sait où je vais. Je m'approprie un endroit, pour ensuite devoir l'oublier. Je crée des liens qui ensuite se défont. Mais je vis bien plus que ce que j'ai vécu avant. Et si le prix de mon bonheur se justifie par le passage tumultueux et pesant de devoir se séparer un jour, alors, je suis prête à le payer, parce qu'il vaut le détour, surtout en terre inconnue. Bien sûr que je tournerai la page, c'est toujours comme ça. Mais souvenez-vous alors, mes chers, qu'à ce moment précis là, maintenant, tout de suite, vous faîtes encore partie de ma vie.  

Melted cheese

I have spent more than six months in England. When I first came, I was brokenhearted, I was homesick. I did not have the French homesickness, no, I was missing Ireland. I was missing every emotion that I could have felt there. The weather, the Irish accent, the green everywhere. From the beginning, I was comparing every corner of my new Outdoor Centre with my former one. And my allegiance was definitely Irish. Ireland was my first love, and had to remain it.

In the Lake District, everything was different. I was much more alone, while I was more surrounded. I counted less on people. Everybody was more individual, had less this community spirit, the wish of being all together all the time. Generally, people preferred having time for themselves, without needing anybody else. So I even struggled a few weeks to create links here with some people. Anyway, I just needed to adapt myself.

Until the day I understood that I didn't need to compare my two experiences all the time. And from this moment, I started living my new adventure for real. To let England invade me. To understand the English sarcasm and humor, and to keep criticizing the English food while I kept eating it. To realize that there are cultural differences between me and them, and that English people do not like promises. To accept that everything would be different from here and now. That day, I simply opened my heart to a new country.

Then I started to like my new habits. Watching the Lake everyday and thinking how lucky I was to be there. Walking a few minutes in the woods and feeling disorientated and far from work, while I was only a few meters away from it. Listening to those suspicious noises in the morning when I was in my bed and wondering what kind of animal it could be. Hearing the sound of the rocks cracking under my shoes when I was walking in the morning, and feeling the coolness on my face. I knew that, soon, I would have to change my habits one more time and I had to accept that everything was only temporary. Easy-peasy, I had done it before, I moved on from Ireland, so I could do the same for here again. Was I falling again for a new country?

Then, it was time to say goodbye. I thought I earned experience this year, and I thought I could handle the fact that I wouldn't see those people I had spent half a year with in Lakeside again. During my adventure, I wanted to convince myself that every person I had met here was one more ephemeral friendship, nothing else. I thought I was stronger and I felt grown up in six months. I was wrong. The last days, I was feeling like my rib cage was being smaller and smaller. I was waking up in the middle of every night. Here we go again! My life was about to change one more time. How many times would I be able to live knowing that I had to change everything again soon? Did I need to be traumatized with farewells to stop looking for my personal Heaven in the World and trying to be stable for once?

The first investigation to make was simple: was it worth it? Yes, intellectually and physically, I felt rewarded. I had met different people that were bringing different brightness in my life. Every person I had met in England had a special and (more or less) important role for me. If I needed to talk, I was going to someone in particular. If I needed to dance, I was going to someone else. And if I needed to argue, I was fighting another one. And every time I said goodbye to each one of them, I felt like I was breaking up with a part of myself. I had a deal with my emotions though, they promised they would leave me alone. This excessive affection I am feeling for my co-workers is part of my personality. Even with years of experience, I am sure I will always feel this intense and wonderful farewell melancholy.

Weird feeling of belonging to a specific place, isn't it? I know where I come from, but no one knows where I am going. I adapt to fit a place, in order to forget it afterwards. I create links with people, that have to be broken at some point. But I intensely live my life the way I didn't before. And if the price of my happiness is to feel the pain of splitting up one day, then I am ready to pay it. Because it is worth it, especially on an unknown Land. Of course I will move on, I always do. But remember my dears, that at this specific moment right now, you are still part of my life.

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C
Bravo pour ton article ! N'as-tu jamais pensé à écrire un livre ? <br /> Bisous,<br /> <br /> Clementine
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L
Merci beaucoup :) <br /> Si j'y ai pensé, mais je ne me suis jamais trouvée assez de talent ! <br /> Bisous ma copine !